8 oct. 2025
Le Lierre : Tisseur d’ombres, gardien des seuils
Le Lierre grimpant, Hedera helix de son nom latin, s’ancre dans nos sous-bois comme dans nos inconscients.
Liane persistante, il épouse l’arbre, la pierre, la ruine, sans volonté de destruction — seulement celle de présence.
Par ses crampons silencieux, il enlace sans bruit, rappelant que tout lien peut soutenir ou enfermer, selon la conscience qu’on y insuffle.
Un archétype du lien
Le Lierre n’oppose pas l'horizontalité à la verticalité, au contraire et tout à la fois, il rampe, grimpe, contourne, relie. Il se fait pont entre terre et ciel, et sa spirale ascendante devient image du chemin intérieur : s’élever en se souvenant de ses racines.
Cette double direction — enracinement et élévation — en fait un archétype du lien, dans ce qu’il a de nourricier, d’enchevêtrant, de révélateur.
Signature biochimique
Riche en saponines, le Lierre soigne les poumons et dégage les voies encombrées. Mais gare au dosage malheureux, car cette même composition peut très vite le rendre toxique !
Guérisseur autant que gardien, il protège sans complaisance...
Il nous pose la question essentielle : de quoi suis-je enlacé ? Et ce lien, m’élève-t-il ou m’étouffe-t-il ?
Histoire d'un mythe
Dans les mythes anciens, le Lierre couronnait les poètes, les initiés et les morts. Fidèle jusqu’à l’ultime passage, il pousse sur les tombes, les ruines, les lieux de transition.
Plante psychopompe, il incarne le lien entre les vivants et l’invisible, entre ce qui fut et ce qui cherche encore à s’exprimer à travers nous.
Perspective jungienne
Le Lierre évoque l’Ombre : cette part enfouie de la psyché qui s’accroche, cherche à émerger, envahit parfois.
Mais son emprise n’est jamais malveillante, elle appelle. Ses racines rampantes sont les complexes, les histoires transmises, les fidélités invisibles. Et, en épousant leur forme, en les nommant, quelque chose en nous peut se délier...
Il nous parle d’enchevêtrement. Celui des lignées, des attachements, des rôles que nous avons cru devoir jouer. Mais aussi de désenchevêtrement, dans une lente alchimie de transformation intérieure.
Ainsi, il nous invite à reconnaître nos points d’appui — féconds ou stériles — et à choisir, avec discernement, ceux qui soutiendront notre croissance.
Folklore et traditions
Dans les traditions populaires, le Lierre veillait sur les foyers. Sa présence sur les murs était un signe de protection. A contrario, son dépérissement était un présage d’un déséquilibre.
Ainsi, il pressentirait les failles de l’invisible. Car, plante de seuil, ne se dresse-t-il pas à la lisière entre le monde tangible et celui des mémoires ?
Un talisman vivant
En tant que tel, le Lierre agit moins comme une amulette que comme un miroir symbolique.
Par sa forme spiralée, sa persistance dans l’ombre, sa capacité à filtrer l’air et à s’adapter, il devient image d’un Moi capable de respirer dans les zones oubliées de l’âme.
Ainsi, il peut être compagnon de méditation, soutien de rêverie active ou d'exploration onirique, surtout lorsqu’on le contemple dans ces zones de transition, entre ombre et lumière, là où le visible semble basculer vers un ailleurs...
Il ne pousse jamais seul. Il accompagne, tisse, suit. Il ne va nulle part sans l’autre, mais il ne s’y perd pas non plus. Il est ce que nous sommes souvent appelés à devenir : des êtres de lien, capables de distinguer ce qui doit être gardé, honoré, et ce qu’il est temps de relâcher.
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